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CONTRE LE DOPAGE

Le Tour, jusqu'à ce que mort s'en suive

12 Août 2009 , Rédigé par contre le dopage Publié dans #Cyclisme


C'est chaque fois la même chose : on nous promet un Tour du renouveau, mais ce n'est que le dopage qui évolue, et non son absence. Contador ou pas, rien n'y fait : les règles du jeu ont depuis longtemps déserté le cyclisme.

Le scandale du Tour, c'est le scandale de L'Equipe. Le quotidien sportif est devenu l'organe officiel de la petite reine, une sorte de Pravda du deux roues, qui, mordicus, année après année, révélations après révélations, morts suspectes après morts suspectes s'échine à nous faire passer une des épreuves les plus frelatées du sport international pour un défilé de super héros dopés juste à l'envie de se dépasser. Cette année encore, malgré le retour de l'ex futur meilleur ennemi du quotidien propriété de la société co-organisatrice, malgré donc le retour du texan bionique Lance Armstrong, surdopé depuis son petit cancer initiatique, malgré donc le retour de celui que L'Equipe avait accusé de mensonge il y a quelques années de cela, eh bien les journalistes de ce beau journal en couleur n'en démordait pas, et nous ont présenté l'édition 2009 avec des oiseaux dans la voix et plus d'emphase encore si c'est possible que le plus ringard des journalistes de Stade 2, pourtant indépassables en terme de mièvreries angéliques servies à la louche de l'audimat des ménagères de plus de 50 neurones.


L'Equipe se comporte comme l'avocat du diable, quelque part, mais avec la morgue de ceux qui, pétris de mauvaise foi, n'ont de cesse de donner des leçons de morale au monde entier. On ne doute pas un instant que, si Contador tombe demain pour dopage, les colonnes du quotidien sportif seront les plus virulentes à dénoncer la supercherie et à réclamer toujours plus de contrôle et de lucidité. On se fout du monde, et L'Equipe en fait sa devise : prendre ses lecteurs pour des abrutis, le mot est faible.


Alberto Contador avait déjà gagné par défaut un tour de dopés, le vainqueur d'alors ayant été déclassé, avant celui de cette année. Cette année, il a pédalé plus vite que tout le monde, tellement plus vite que, s'il n'avait pas été freiné par des querelles intestines au sein de sa formation qui n'avait pour unique objectif que de faire triompher Armstrong, histoire de bien montrer aux vertueux pourfendeurs du cyclisme de drogués qu'on pratique aujourd'hui qu'ils peuvent se mettre jusqu'au coude leur déontologie dans l'oeil, si Alberto donc, que Gérard Holtz trouve tellement "beau sur un vélo" n'avait pas dû lutter chaque soir à l'hôtel contre une équipe de mercenaires hypocrites et lâches qui lui ordonnaient chaque soir de freiner un peu, il aurait pu tout aussi bien enlever le Ventoux avec une dizaine de minutes d'avance, en rigolant. C'est ça, le dopage : tout qui devient d'un coup possible, mieux qu'avec l'UMP, et sans malaise à l'effort.

Contador était cette année le mieux dopé de tous, c'est ça la vérité.


Que L'Equipe l'écrive, c'est tout ce qu'on demande. Le mieux dopé mérite son titre dans une épreuve où tout le monde triche, de toute façon. Et si L'Equipe ne veut pas l'écrire, qu'au moins ils évitent de nous prendre pour des idiots de tous les villages en nous tirant deux trois larmes sur l'émouvant destin d'un champion qui "a frôlé la mort". C'est dingue ça quand même : le cyclisme est le seul sport actuel où tous les récents champions ont frôlé la mort, de maladie ou d'accident. Le seul sport aussi où ils changent soudain de profil : de bons rouleurs ils deviennent fabuleux grimpeurs, de pistards ils deviennent grimpeurs, de grimpeurs ils finissent sprinteurs. Le cyclisme est un sport qui change ses pratiquants, qui les métamorphose, avec l'aide si possible d'une grave maladie. Un peu comme si, en football un stoppeur, après avoir vécu un cancer devenait attaquant de pointe. Ou qu'un sauteur à la perche se métamorphosait après un accident de la route en lanceur de marteau. On avait déjà vu des nageurs est allemands devenir des nageuses est allemandes, alors, c'est pas d'hier que vient la tartufferie.


Aujourd'hui, Contador avoue qu'il n'a jamais admiré Armstrong. C'est pas grave, Armstrong le déteste. Mais les deux s'affronteront l'an prochain, sur ce même tour de dupes, au grand bonheur des télévisions qui se lèchent déjà les babines devant quelques ascensions homériques à prévoir, à 30 ou 40 à l'heure dans les endroits les plus pentus, histoire de démontrer combien ces deux coureurs là sont au dessus du lot, extraordinaires et courageux. L'été prochain, la même mascarade, tour de freaks, s'agitera dans quelques coins de notre beau pays, sous l'oeil bienveillant de notre très agité Président de la République, complètement remis de son petit malaise, lointain souvenir bien sûr.


Et certains docteurs, spécialistes de l'effort, expliqueront à chaque étape combien tout tend à prouver que la triche est là, partout, que rien ne serait possible, et surtout pas cela, sans elle. Que ce n'est qu'une question de temps avant qu'on comprenne comment ils ont fait pour passer entre les contrôles. C'est là que L'Equipe fait un mauvais calcul: le jour où le pot (belge) aux roses sera découvert, le journal perdra tout crédit. Mais il s'en moque, sans doute: il n'a de toute façon aucun concurrent, monopole absolu, une seule voix, une seule vérité. Plus vite, plus haut, plus fort, mais toujours dans la compromission et le déni. Et dire que beaucoup avait cloué au pilori ce journal pour avoir critiqué Aimé Jacquet avant sa victoire en Coupe du Monde, maigre écart comparé à l'attitude qui consiste aujourd'hui à taire les doutes sur les performances étranges des coureurs cyclistes sur le Tour.


Dans une affaire d'une toute autre gravité, certains ont posé la question de savoir combien ça valait d'être au courant et de ne rien dire quand des vies sont en jeu. Ca vaut dans un enlèvement, ça vaut sans doute aussi dans le bon déroulement d'un sport qui a perdu tout sens dernièrement, et dont beaucoup d'anciens champions sont morts subitement ou ont révélé dans certains ouvrages comment ils se sont, sciemment, parfois inconsciemment, laissés emporter par le dopage. Nous étions jeunes et insouciants, explique Laurent Fignon qui est passé sur ce Tour du micro à la chimio, commentateur malade d'un sport qui ne l'est pas moins.

 

Source et date de l'article LeJdd.fr  28.07.09

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