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CONTRE LE DOPAGE

Sébastien Grousselle

17 Septembre 2006 , Rédigé par Marie Publié dans #Cyclisme

Sébastien Grousselle avait 21 ans et une passion pour le cyclisme, dont il voulait faire son métier. Il rêvait du Tour de France et patientait dans le peloton des 400 meilleurs coureurs amateurs: un espoir, en attendant mieux.

Le vendredi 18 septembre 1998, Sébastien Grousselle est mort sur une route de Montereau, en Seine-et-Marne, alors qu'il disputait un critérium de fin de saison. Les témoins l'ont vu chuter brusquement de son vélo, sans raison apparente, en pleine ligne droite. Sa tête a percuté violemment un trottoir, provoquant une fracture du crâne et celle de plusieurs vertèbres. Il est décédé dans les heures qui ont suivi. Avancée par les premiers secours, l'hypothèse d'une rupture d'anévrisme n'a pas été retenue par l'enquête de police. Une analyse du sang de la victime a révélé une présence massive de corticoïdes.

Sébastien Grousselle était donc dopé au moment de l'accident. A 21 ans. Alors que le sport n'était pour lui qu'un simple passe-temps, juste un fantasme de carrière. Le vendredi 16 octobre, le parquet de Fontainebleau a ouvert une information judiciaire contre X pour «homicide involontaire, transport, cession et acquisition de substances vénéneuses et facilitation à l'usage de stupéfiants». Révélée par France-Soir, l'affaire a fait grand bruit. Elle n'est pourtant pas sans précédent. En 1968, un jeune footballeur de 18 ans, Jean-Louis Cadri, amateur lui aussi, avait succombé sur le terrain, en plein match de football. L'autopsie révélera la présence, dans le corps du garçon, d'une importante quantité d'amphétamines.

Une mort à imputer également au dopage. Dénominateur commun à ces deux victimes: l'une comme l'autre pratiquaient le sport en simples amateurs. Preuve que le dopage n'est pas l'apanage d'une élite de champions, professionnels du cyclisme, du foot, de l'athlétisme ou du base-ball, gonflés aux hormones pour les besoins du sport spectacle et de la course aux performances. Il touche aussi l'homme de la rue, joggeur du dimanche matin, tennisman de club de vacances ou volleyeur de plage. Médecin et chercheur, directeur du département d'étude du dopage et des drogues de la performance à l'université de Nancy, Patrick Laure a mené l'enquête auprès de 2 000 sportifs amateurs. Son échantillon de population: des hommes et femmes de plus de 15 ans, licenciés dans un club et pratiquant au moins deux heures par semaine. Choisis au hasard, ils représentent 51 disciplines. Le résultat, en cours de publication scientifique, fait froid dans le dos. «Près de 10% des personnes interrogées avouent utiliser des produits dopants, explique Patrick Laure. La consommation ne diffère pas d'un sexe à l'autre. Et elle atteint deux pics très visibles: les jeunes de 25 ans et la tranche d'âge 35-39 ans.» En rapportant ces chiffres à l'échelle nationale - la France compte environ 13 millions de sportifs licenciés - on peut estimer à 1 million le nombre d'amateurs qui ont recours au dopage - «Pour la victoire, pour la performance ou pour l'argent». Trois raisons avouées qui ne dépareraient pas dans le vocabulaire usuel du champion moderne.

Les produits? Un cocktail de substances figurant sur la liste noire du Comité international olympique (CIO). En tête, les stimulants (45%), une catégorie où se rangent notamment les amphétamines, la caféine et l'éphédrine, connues pour faire reculer le seuil de fatigue pendant l'effort. Suivent les stupéfiants, dont le cannabis, et les antidouleurs (28%), puis les cortico-stéroïdes (12%), et enfin les anabolisants (3%), famille dominée par la testostérone et la nandrolone. Commentaire de Patrick Laure: «Il s'agit toujours de médicaments détournés de leur usage, et bien souvent remboursés par la Sécurité sociale.» Surprise: les dopés admettent en majorité (61%) s'approvisionner très simplement chez leur pharmacien, une ordonnance à la main et l'air faussement patraque. Les autres font leurs emplettes au marché noir (20%) ou préfèrent se fournir auprès de leur entourage (15%). Le corps médical serait donc complice. Une hypothèse que Patrick Laure réfute: «En réalité, les médecins qui prescrivent ces produits ignorent la plupart du temps que leurs patients en feront usage à des fins de dopage. Il n'est pas très difficile de feindre un mal quelconque afin d'obtenir l'ordonnance que l'on souhaite. Je ne crois pas à la complicité du milieu médical. Selon mes sources, les praticiens qui fournissent sciemment les sportifs en produits interdits sont très peu nombreux. Guère plus de deux par département.» On est bien loin de l'affaire Festina, de la mort de «FloJo», Florence Griffith-Joyner, le 21 septembre dernier, et des rumeurs galopantes autour du football professionnel. Le dopage au quotidien s'apparente plutôt à un bricolage hasardeux et souvent risque-tout, pratiqué sans le moindre suivi médical et au mépris des règles de prudence. «Sur les 200 contrôles positifs effectués en France l'an passé, 175 concernent des sportifs non professionnels», explique Jean Poczobut, conseiller technique au ministère de la Jeunesse et des Sports. Bref, le dopage est dans la rue. On a détecté, en France, des traces d'anabolisants chez des enfants de 8 ans. Un élève d'une classe de cinquième, dans les Vosges, a avoué à son médecin recevoir régulièrement des injections de stéroïdes. Sur Internet, plusieurs sites détaillent par le menu les meilleurs produits, leurs doses et leurs filières pour augmenter sa masse musculaire, gagner dix minutes sur le marathon ou, plus simplement, battre son voisin de palier au squash ou au tennis. On peut également commander, sur le Net, la troisième édition de La Bible du stéroïde, l'ouvrage de référence du dopage dit «lourd». L'édition française d'un magazine américain destiné aux culturistes, Flex, expliquait récemment comment conserver ses muscles après une cure de Stanozolol, un stéroïde anabolisant connu pour avoir été à l'origine du contrôle positif de Ben Johnson aux jeux de Séoul, en 1988.

Aux Etats-Unis, les aveux de dopage de Mark McGwire, la vedette actuelle du base-ball, n'ont pas semblé choquer l'opinion. Pis: les laboratoires qui commercialisent son produit miracle, l'androsténédione, une substance interdite par le CIO, ont frôlé la rupture de stock. Le mal est profond. Mais les armes pour le combattre encore peu dissuasives. A preuve, le grand déballage du dernier Tour de France, au mois de juillet: les contrôles actuels ne détectent plus rien. Et tout le monde le sait. Faute d'une répression efficace, la solution passe sans doute par un laborieux effort de prévention. «Il est urgent de traiter le dopage comme un problème de santé, au même titre que le tabagisme ou le sida», répètent les experts. La nouvelle loi antidopage de Marie-George Buffet, ministre de la Jeunesse et des Sports, qui sera discutée le 18 novembre prochain par l'Assemblée nationale, semble aller dans ce sens. Elle prévoit une augmentation des crédits de 15 millions de francs, le lancement d'une vaste campagne de prévention et un allégement des calendriers sportifs. «Dans certaines disciplines, les minimes font jusqu'à deux compétitions par semaine», précise Jean Poczobut. Et piochent, pour récupérer, dans l'armoire à pharmacie. Le début de la tentation du dopage.

Ma source est www.lexpress.fr

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Y
Ton blog est excellent Marie, je le trouve très objectif, et parfois émouvant. Ton travail de recherche est très abouti et mérite d'être lu.<br /> Passe voir mon blog tout aussi récent que le tien mais un poil malheureusement un poil moins tragique.
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