Football et dopage
Sale époque pour le football. Les révélations du Monde sur les liens existant entre de grands clubs comme le Real Madrid et le FC Barcelone et le docteur Eufemiano Fuentes, organisateur présumé d'un réseau de dopage sanguin en Espagne, viennent en effet ponctuer une série d'événements propres à ternir la réputation du sport numéro un dans le monde.
Des agissements d'un dirigeant de la Juventus Turin pour "arranger" les résultats de son club au coup de tête de Zinédine Zidane en finale de la Coupe du monde, en passant par les débordements racistes et violents de certains supporteurs, les embarras se succèdent pour les dirigeants du sport roi. A chaque coup porté, ces derniers ont pris l'habitude de faire le dos rond, de laisser la magie du jeu reprendre le dessus sur la lie des affaires.
Sur le dossier du dopage, cette stratégie du mutisme tourne depuis quelques années à la caricature. Elle pourrait se résumer à la formule "pas pris, pas dopé". Sans surprise, cette antienne chère au septuple vainqueur du Tour de France, Lance Armstrong, a d'ailleurs été reprise en choeur par des joueurs appartenant aux clubs espagnols supposés entretenir des relations avec le docteur Fuentes : "Nous avons toujours été ouverts à tous les contrôles, surprises ou pas, de la fédération espagnole ou de l'UEFA", a notamment déclaré Ronaldo, l'attaquant brésilien du Real Madrid.
C'est un fait incontestable, les footballeurs professionnels sont encore plus contrôlés que les cyclistes : selon la FIFA, 23 500 contrôles antidopage ont été diligentés en 2005, et ils ont donné révélé seulement 78 cas positifs, soit un taux de 0,37 %. Mais aussi irréfutables sont les commentaires des spécialistes de la lutte antidopage, qui, comme les hématologues Gérard Dine et Michel Audran, ne se disent "pas surpris" d'entendre parler de transfusions sanguines : "Le football ne pratique que des contrôles urinaires, et il serait bon qu'il y ait des contrôles sanguins, souligne M. Audran. Joseph Blatter (le président de la FIFA) part du principe que, dans les sports d'équipe, il n'y a pas de recours au dopage. Donc, dans l'hypothèse où on pense qu'il n'y en a pas, on ne cherche pas, et donc on ne trouve pas."
Désormais, les présomptions de dopage dans le football sont trop fortes pour que les instances dirigeantes de ce sport continuent à s'abriter derrière un supposé particularisme des sports collectifs pour ne pas se lancer dans une authentique lutte contre l'aide à la performance. Les amateurs du beautiful game inventé par les Anglais au XIX e siècle ne méritent pas ces faux-semblants auxquels même les passionnés peinent à croire.
A cause des enjeux financiers immenses qui grossissent les soupçons, le football doit, plus encore que les autres sports, accepter tous les types de contrôle, dans une transparence complète et revendiquée.
Article paru dans l'édition du 10.12.06.Ma source est www.lemonde.fr
